Ô! Lit - Terre - Rature

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Illustration : Sarah Hoscheit

vendredi 18 avril 2014

I'm addicted to Junk

Melvin Burgess, Junk, éd. Gallimard, coll. Scripto, 2002.


Direction les abysses


Touchante et prenante histoire que nous est racontée dans Junk par Melvin Burgess. Il arrive, ici, à décrire merveilleusement bien ces typhons[1], happant tout sur leur passage, que peuvent être les drogues consommées à l'excès. 

Café, héroïne, sexe, chocolat,  le pouvoir, l'amour,...« Ceci peut nuire à la santé.  À consommer avec modération et ne pas mettre à la portée des enfants.» (On leur accordera tout de même du chocolat de temps en temps, ne soyons pas tyrannique).  Mais, ne cherchez pas, ce slogan ne figure sur aucune de ces choses. Seuls la sagesse, l'expérience ou la couardise amènent la retenue face à ce genre d'appel émotionnel et pulsionnel qu'émettent les stupéfiants.  Autrement dit, la plupart des adolescents cherchent ce genre de sensation et sont des proies aux dépendances.   

En outre, si l'ado en question grandit au sein d'une famille particulièrement difficile à vivre (violence paternelle, maman alcoolique), les risques de stimuler en lui l'envie d'échappée belle et de grandes odyssées s’accroissent. Qu'importe cet ailleurs tant qu'il est meilleur. Il me faudrait plusieurs pages et un certain nombre d'heures pour implémenter chaque facteur pouvant éclaircir cette épaisse fumée.
 
Mais nous ne sommes pas, ici, dans un essai de philo-égocentrique!  Si vous êtes amateur de vérité nue, soyez les bienvenus car en lisant ce bouquin vous devrez utiliser votre propre "Jiminy Cricket"[2]. En effet, l'auteur ne prend pas position et n'émet aucune critique. Il relate sans ergoter. Tout le contraire de ce que je fais pour l'instant. Monsieur Burgess, lui, sait écrire alors coupez-moi donc cet ordinateur et cette télévision branchée, en fond, sur une chaîne populaire retransmettant je ne sais quelle émission de "télé-réalité" débilitante.  


Vous voulez du pittoresque, du fantastique, de la saveur ? Foncez chez le libraire ou à la biblio' la plus proche et emportez Junk.

Amourhoïne

« C’était une véritable histoire d’amour. Gemma, moi et la dope. Je n’imaginais pas qu’elle puisse se terminer. Ça a été la plus grande aventure de ma vie », parachèvera l'auteur mettant en scène Nico. 

L'amour tout comme l'héroïne, ça vous prend aux tripes, transforme votre psyché et votre physique. La consommation chronique entraîne la dépendance entraînant elle-même la nécessité d'un sevrage. C'est vache tout de même. Nico en est bien conscient et cela le torturera sans doute longtemps. Devoir mettre fin à cet amour infini qu'il porte à Gemma et à l'héro'. Contenir et freiner ses pulsions, voilà une tâche ingrate ordonnée par la vie. Bien plus qu'un banal "junkies road trip", Junk est une réalité fantasmagorique rondement bien menée par un auteur qui connaît les émotions humaines mais qui sait surtout bien les imprégner dans le papier pour nous les communiquer à travers ses personnages.  

Ce livre à plusieurs voix (polyphonique), toutes authentiques, toutes saisissantes, reflétant avec une honnêteté absolue toutes les facettes d'un drame contemporain. Un ton juste. Une lecture bouleversante, nécessaire.


«Je pense qu'il est préférable que les jeunes n'entendent pas parler de la drogue pour la première fois le jour où quelqu'un essaiera de leur en vendre.» Melvin Burgess. 

En savoir plus sur l'auteur...


Melvin Burgess est né à Londres en 1954. Après avoir quitté l'école à l'âge de dix-huit ans, il a commencé par être journaliste. Puis il a occupé divers emplois, principalement dans le secteur des travaux publics. Il a commencé à écrire vers vingt ans, mais il a attendu une quinzaine d'années avant de voir son premier livre publié. Il est aujourd'hui considéré comme l'un des écrivains contemporains pour la jeunesse les plus forts et les plus dérangeants.


Illustration : http://www.babelio.com/users/AVT_Melvin-Burgess_9632.jpeg
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[1] Typhon/Typhée, du grec ancien tỹphos,« la fumée ». 
(En mythologie, il est une divinité malfaisante. Fils de Gaïa et Tartare. Titan des vents violents et des tempêtes).

[2] Jiminy Cricket est un personnage de fiction qui apparaît la première fois dans le dessin animé de Walt Disney Pinocchio, sorti en 1940. C'est un grillon habillé en costume et représente la bonne conscience de Pinocchio. 

(Je pense avoir été contaminée par les notes de bas de page! Merci à Anne Percin pour son idée.)


Une exploitation pédagogique?



Évidemment, j'utiliserai Junk sans hésiter avec une de mes classes, non sans une préparation des élèves au préalable.


Avant d'entamer Junk, il faut être certain d'être assez "fort" psychologiquement, c'est-à-dire avoir un esprit critique et une notion du détachement (ou du recul) déjà bien développés. 

Je pense qu'il est assez bien adapté pour une classe de 3e ou de 4e technique qualification : ce sont les années durant lesquelles les jeunes vivent leurs premières expériences, s'amusent à frôler l'interdit, commencent à s'identifier à leurs fréquentations qu'elles soient bonnes ou mauvaises... 

Un livre avec une thématique populaire


Illustration : http://www.lunefroide.fr/wp-content/uploads/2012/06/las-vegas-parano.gif

«Requiem for a dream» de Hubert Celby (adapté au cinéma par Darren Aronofsky), «Transpotting» d'Irvine Welsh (adapté au cinéma par Danny Boyle) ou encore «Las Vegas Parano» de Hunter S. Thompson (adapté au cinéma par Terry Gilliam), sont toutes des histoires très populaires traitant de la drogue et des descentes aux enfers qu'elle apporte. 

En somme, des lectures toutes aussi bouleversantes et traumatisantes les unes que les autres. C'est un thème qui me touche, pourquoi ? Cela je le garde pour moi. Mais je trouve ça tout aussi traumatisant que passionnant, voir comment la drogue peut vous emmener au paradis pour vous entraîner la seconde d'après dans les limbes de l'enfer. 

Lors de ma lecture j'ai tout de suite fait un lien avec «L'Herbe Bleue » que j'ai lu dans le cadre d'un cours de français en 5e année technique de qualification.


«L’Herbe bleue (Go Ask Alice)» est un livre publié anonymement en 1971. La traduction française, de France-Marie Watkins, est parue en 1972. C'est un journal intime dont l'auteur aurait quinze ans mais qui s'est révélé être une œuvre de fiction écrite par Beatrice Sparks, une psychologue américaine devenue ensuite éditrice. Ce n'est que quelques années plus tard qu'elle reconnaît en être l'auteur. Elle explique alors, dans une interview, que le livre se composait en partie du journal intime d'une de ses patientes mais également d'événements fictifs inspirés par son travail avec d'autres adolescents en difficulté. Sparks raconte que son expérience professionnelle l'a amenée à écrire des contes destinés à éviter à d'autres jeunes de connaître les mêmes travers. De confession mormone, elle cherche à mettre en garde la jeunesse contre des risques sociaux dans des livres quelque peu moralisateurs et puritains.

Même thème abordé mais différence totale d'objectif dans l'écriture, ce qui donne deux formes de romans complètement différentes sur un fond finalement identique.


Beatrice Sparks, L'Herbe Bleue, journal intime d'une jeune droguée, éd. Stock, coll. Le Livre de poche, 2003.

1 commentaire:

  1. "Amourhoïne" : belle invention ! Beau néologisme qui caractérise parfaitement ce que dit Nico !

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