Ô! Lit - Terre - Rature

Ô! Lit - Terre - Rature
Illustration : Sarah Hoscheit

mardi 3 décembre 2013

« Où monsieur Pinpin raconte ses histoires drôles et émouvantes. »

Marie-Aude-Murail, Simple, éditions L'école des loisirs, collection Médium, Paris, 2004.
                                           

1. Biographie de l'auteure :

Marie-Aude Murail naquit au Havre le 6 mai 1954 et grandit au sein d'une famille d’artistes. Née d'un père poète et d'une mère journaliste, elle se passionna, dès son plus jeune âge, pour la littérature tout comme l'un de ses frères, Lorris Murail, ainsi que sa jeune soeur, Elvire Murail surnommée Moka. Après avoir obtenu son doctorat en lettres, à l'université Paris-Sorbonne, elle se consacre à l'écriture de ses romans en commençant à écrire pour les adultes. Pourtant c'est dans les récits de jeunesse qu'elle trouve sa véritable vocation. 

Marie-Aude Murail écrit depuis longtemps et cela lui sied. Publiée depuis plus de 20 ans avec une centaine de titres à son actif, allant des contes aux romans policiers en passant par des nouvelles et des essais, elle écrit dans tous les styles. Ses livres sont nommés et primés à d'innombrables reprises. Elle-même a été promue, en 2004, au titre de "Chevalier de la Légion d'honneur" pour l'ensemble de ses oeuvres destinées à la jeunesse.

2. Ma quatrième de couverture :

Barnabé Maluri alias Simple a 22 ans et est "i-di-ot" comme il le dit lui-même. Il n'est pas un jeune homme comme les autres: Il dit "oh, oh, vilain mot" quand quelqu'un jure, sait compter à tout vitesse: 7, 9, 12, B, mille, cent, joue avec des "Playmobil" et des "beaud'hommes" cachés dans des objets et surtout, il a monsieur Pinpin, un lapin en peluche, son allié à la vie à la mort. 

Sa mère est morte et son père s'est débarrassé de lui en le plaçant à Malicroix, un institut pour les fous, mais Simple ne s'y plait pas du tout. Klébert, son frère de 17 ans décide de le prendre en charge. Il trouve des colocataires qui acceptent les deux frères: il y a Emmanuel et Aria, étudiants en médecine; Corentin, le frère d'Aria et son Enzo, étudiant en lettres. Au fur et à mesure de l'histoire, les jeunes commencent à apprécier cette famille originale. Mais la vie n'est pas toujours simple tous les jours avec un déficient mental. Simple a 3 ans dans sa tête, et comme tous les enfants de cet âge, il est toujours prêt à faire des bêtises. 


Il faut pourtant que Kléber puisse mener sa propre vie et poursuivre ses études. Il a l'âge de s'intéresser aux filles et avoir un frère comme Simple dans les pattes tout le temps ne rend pas les choses faciles...

3. Une oeuvre reconnue :

Le livre a rencontré un énorme succès et a touché un grand public. Il est exploité à des fins pédagogiques dans l'enseignement et est recommandé par le ministère de l'Education. Ce roman a obtenu de nombreux prix littéraires, voici la liste:

- Prix SNCF du livre de jeunesse 2005,
- Prix des lycéens allemands 2006,
- Prix Farniente « deux baskets » 2006,
- Prix littéraire des collégiens 2006,
- Prix littérature jeunesse 2006,
- Prix Ados de la ville de Rennes/Ille-et-Vilaine 2006,
- Prix Escapages « ados » 2006,
- Prix Plaisirs de lire 2006,
- Prix des lycéens allemands 2007.

Le livre Simple a été traduit en plusieurs langues et a fait l’objet d'un téléfilm réalisé par Ivan Calbérac, diffusé sur France 2. Le film semble introuvable sur le net. Je me suis rendue à la médiathèque de Verviers et le téléfilm n'est pas mis en vente en Belgique. Je me suis donc contentée de regarder quelques vidéos et les commentaires de l'auteure. Le film semble rester fidèle à l'histoire et aux personnages du roman, mis à part le fait que le lapin est juste animé par Simple et qu'il ne parle pas. L'analyse de l'adaptation cinématographique pourrait faire l'objet d'une leçon en français après avoir lu le livre. Si quelqu'un trouve le film, je suis intéressée...

                             
Extrait du téléfilm Simple réalisé par Ivan Calbérac. 
Tiré du livre Simple (chapitre 2 : où monsieur Pinpin se trouve un terrier pas super).
                      
      Italien             Allemand   
                    



Brésilien        Norvégien




Espagnol :
Catalan           Castillan




Coréen               Hébreu




Néerlandais          Anglais



4. Mon avis

C'est la première oeuvre de Marie-Aude Murail que je rencontre. J'ai souvent entendu parler de son talent et de ses livres. En lisant la quatrième de couverture j'étais un peu perplexe par rapport au sujet. J'ai commencé à lire ce bouquin avec curiosité et beaucoup d'attentes et je n'ai pas été déçue. Quel joli roman sur l'amour fraternel et le handicap! Le thème abordé est délicat mais il prend une autre dimension avec la plume de Marie-Aude Murail. 

Simple est un personnage très intéressant. Handicapé mental, il est bien souvent pénible aux yeux de son entourage, il enchaîne les bêtises, comme lorsqu'il transforme la baignoire en terrain de jeu pour monsieur Pinpin. Et pourtant, c'est un personnage qui inspire la tendresse, on a envie de sourire à chacune de ses nouvelles péripéties qui révèle en fait sa vraie intelligence : une logique à toute épreuve, bien que différente de la nôtre. Ce personnage est drôle mais également touchant : le fait de l'imaginer rejeté par sa famille, par ses colocataires, et même par ses voisins m'a inspiré une profonde compassion. Même si l'on comprend à quel point Simple peut être usant, la réaction du père m'a particulièrement choquée.

Au contraire, le personnage de Kléber m'a montré que la générosité existe encore, que l'on a beau avoir dix-sept ans et être en pleine découverte des relations amoureuses, un frère n'en reste pas moins important, même s’il est débile aux yeux des autres. Kléber m'a beaucoup touchée et m'a donné un bel exemple de courage. Le bien-être de son frère passe avant tout et il est hors de question qu'il retourne à Malicroix. 

En ce qui concerne les autres personnages, ils sont tous plus attachants les uns que les autres. Pour moi, le personnage le plus important de ce roman est monsieur Pinpin qui est la voix de Simple tout au long du roman. Monsieur Pinpin c'est un fou, il pète des gueules! Cette peluche n'est, en fait, que le fruit de l'imagination de Simple. Ce Pinpin prend une grande place dans l'histoire et pointe le bout de son nez à chaque situation cocasse. Même s'il ne parle pas vraiment, Simple lui donne vie. Lorsque j'ai lu le titre du dernier chapitre (où meurt monsieur Pinpin), j'ai eu un pincement au coeur, je sentais une fin lourde et triste. Le petit lapinou avait été jeté aux ordures par la vilaine Béatrice. Le sourire me revint lorsque monsieur Villededieux ramena la peluche. Cette dernière scène est sympathique. Tout le monde est content du retour de monsieur Pinpin. C'est un instant de bonheur dans la simplicité. 


J’ai remarqué que les dialogues sont nombreux. Ceux qui mettent en scène Simple et son lapin en peluche sont tout simplement touchants. Leur façon de voir le monde, à tous les deux, avec leurs 3 ans d’âge mental, est tout à fait unique, tout à fait déjantée et pourtant, tellement sensée.


Mon plus grand plaisir lors de cette lecture a été de découvrir la façon d'utiliser la langue française de Simple. Sans le vouloir, il fait des jeux de mots savoureux et drôles. Il invente même un langage propre à lui-même. Quelques exemples parmi tant d'autres:


- "Il y avait six garettes sur la table, toutes crabouillées" pour "il y avait des cigarettes sur la table, toutes écrabouillées".


- "Gnémongnigni" pour "c'est mon zizi".


- "Vérolaire" pour "revolver" 


- "Vas-y Luia" pour "alléluia".


- "Joyeux quasitonbrouk" pour "joyeux anniversaire".

Alors ce récit aurait pu être grave, avec une ambiance plombée. Et pourtant, c'est un vrai bonheur. D'abord, parce que Marie-Aude Murail imagine une joyeuse bande d'étudiants, que la présence de Simple parmi eux enclenche des situations vraiment comiques. Mais surtout parce que Simple parvient à s’intégrer au sein de la maison, les autres prennent soin de lui, et malgré sa différence, il devient l'un de leurs amis. 

Un très beau roman sur la tolérance et le handicap. Un roman qui ose dire les choses, et qui les dit très bien! Bref, une première rencontre très réussie avec l'écriture de Marie-Aude Murail. Une première rencontre qui donnera lieu à d'autres lectures, c'est certain!



5. Un lien intéressant

Kléber est un adolescent qui se cherche et les relations amoureuses c'est une nouveauté pour lui. Dans sa classe, il a remarqué deux filles qui lui plaisent : Béatrice et Zahra. Kléber est perdu car il est attiré par Béatrice mais il ne sait pas comment s'y prendre pour flirter. 

Dans le chapitre 10 : "où monsieur Pinpin s'entend super bien avec la petite fille sourde", Kléber se réfugie dans le livre de Stendhal "Le Rouge et le Noir", qu'il avait étudié en seconde, pour comprendre comment l'homme séduit sa muse. Comme Julien Sorel, timide et en état d'infériorité, il s'y est pris pour tomber madame de Rênal. Il s'identifie au héro de l'histoire et s'inspire de ses techniques amoureuses pour sortir avec Béatrice mais Kléber se rend vite compte que certaines situations ne sont pas toujours écrites dans les livres et il affronte sa timidité. 


Marie-Aude-Murail insère avec soin des extraits du livre "Le Rouge et le Noir" pour que l'on comprenne que Kléber s'identifie à Julien Sorel et c'est avec un malin plaisir que j'ai découvert les quelques lignes de ce grand classique. 




Stendhal, Le Rouge et le noir, Chroniques de 1830, éditions Hatier Poche, collection Classiques & cie, 2004.

9 commentaires:

  1. Tu proposes de bons débuts d'analyse Olivia, continue ! Lorsque tu parles de l'humour des personnages et des situations comiques, tu pourrais approfondir. De même, lorsque tu évoques les liens hypertextuels, tu pourrais construire une comparaison plus ciblée.

    RépondreSupprimer
  2. Trop cool d'avoir mis les différentes couvertures en fonction des pays :D
    Ton blog est chouette :)

    RépondreSupprimer
  3. Olivia, je partage ton ressenti en ce qui concerne la troisième "entité" engendrée par la relation Simple/monsieur Pinpin ; c'est également un point que j'ai abordé dans mon analyse ... Comme toi, je trouve que cette relation est délicieuse, touchante, drôle, ... les adjectifs manquent pour la décrire ! Il me semble aussi que c'est un élément crucial du récit (si pas le plus important ... ?) En tout cas, j'aime beaucoup l'analyse que tu en proposes, agrémentée d'une petite note d'humour ("Monsieur Pinpin, il pète les g*** !") J'adore!

    RépondreSupprimer
  4. J'aime bien ton analyse et surtout les liens que tu fais. Avec le livre de Stendhal et le film. Comme toi, j'ai apprécié le langage utilisé par Simple ainsi que ses jeux de mots. Enfin, plutôt le langage que Marie-Aude Murail a attribué à Simple. Comme Marielle, je trouve sympa que tu aies mis les différentes couvertures du livre en différentes langues. Pour finir, je trouve intéressant que tu aies affiché les prix que ce livre a obtenu.

    Ps: j'adore ta mise en page!

    RépondreSupprimer
  5. A nouveau, je suis impressionné par tes idées !
    Mettre en avant les différentes couvertures du livre selon les langues c'est un excellent moyen de voir les points essentiels du livre !

    Je suis tout simplement admiratif devant ta créativité et ton esprit d'initiatives !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour tous ces beaux commentaires :) De te part, c'est un réel encouragement :)

      Supprimer